CPI : Procès de Bosco Ntaganda pour crimes qui auraient été commis en RD Congo
Questions et réponses au sujet du procès tenu à la Cour pénale internationale
Le 2 septembre 2015, le procès de Bosco Ntaganda débutera à la Cour pénale internationale (CPI), à La Haye, neuf ans après la délivrance par la Cour du premier mandat d’arrêt à son encontre. Ntaganda, un chef rebelle qui a combattu au sein de divers groupes armés, et qui a par la suite été général dans l’armée congolaise, est la quatrième personne à être jugée devant la CPI pour de graves crimes internationaux qui auraient été commis en République démocratique du Congo (RD Congo). Les déclarations d’ouverture du procès devraient durer deux jours. La présentation des preuves par le Bureau du Procureur devrait ensuite débuter le 15 septembre.
Ntaganda est né en 1973 à Kinigi, au Rwanda. Alors qu’il était un jeune adolescent, il a fui en RD Congo dans le contexte d’attaques menées contre les Tutsis au Rwanda. Il a commencé sa carrière militaire en 1990 au sein du Front patriotique rwandais (FPR), un groupe rebelle rwandais basé en Ouganda ; le FPR a par la suite mis fin au génocide au Rwanda en 1994 et a formé le gouvernement qui est encore au pouvoir aujourd’hui au Rwanda. Ntaganda a ensuite rejoint l’Armée patriotique rwandaise (formée par le FPR) et a participé à l’invasion de la RD Congo en 1996. En 1998, lors de la « deuxième guerre de la RD Congo », il a rejoint un groupe rebelle congolais soutenu par le Rwanda, le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD). Il a ensuite transité par différentes milices congolaises avant de rejoindre l’Union des patriotes congolais (UPC) en 2002. L’UPC était un groupe armé qui prétendait défendre les intérêts de l’ethnie hema dans le district de l’Ituri, dans le nord-est de la RD Congo.
De 2002 à 2005, Ntaganda a servi comme chef des opérations militaires sous le dirigeant de l’UPC, Thomas Lubanga. Pendant cette période, les forces placées sous le commandement de Ntaganda ont été impliquées dans de nombreuses violations graves de droits humains, notamment des massacres ethniques, des actes de torture et de viol, et le recrutement à grande échelle d’enfants, certains âgés de sept ans à peine. Lubanga a été la première personne à être jugée devant la CPI. Il a été reconnu coupable en 2012 de recrutement et d’utilisation d’enfants soldats en Ituri et condamné à 14 ans de prison. Cette peine a été confirmée en appel, en décembre 2014. Ntaganda était le co-accusé dans cette affaire, mais il a réussi à échapper à la justice jusqu’à sa reddition [LINK TO Q#6 IN THIS DOCUMENT] en 2013.
Pendant ce temps-là, il a continué à diriger des troupes responsables de graves exactions et a reçu un soutien important de la part de supporters au sein de l’armée rwandaise.
La CPI a délivré un deuxième mandat d’arrêt à l’encontre de Bosco Ntaganda en juillet 2012, dans lequel figuraient quatre nouveaux chefs de crimes de guerre et trois nouveaux chefs de crimes contre l’humanité.
Le Bureau du Procureur a par la suite ajouté de nouveaux chefs d’accusation, ce qui porte à 13 le nombre de chefs de crimes de guerre et à cinq le nombre de chefs de crimes contre l’humanité. Bosco Ntaganda est accusé de meurtre et tentative de meurtre, d’attaque contre des civils, de viol, d’esclavage sexuel de civils, de pillage, de déplacement de civils, d’attaques contre des biens protégés et d’enrôlement et de conscription d’enfants âgés de moins de quinze ans au sein de forces rebelles et leur utilisation pour les faire participer activement à des hostilités, des crimes qui auraient été commis en Ituri en 2002 et 2003.
Les nouvelles charges portées à l’encontre de Bosco Ntaganda répondent partiellement aux préoccupations exprimées par des militants congolais et par Human Rights Watch concernant la portée limitée des accusations initialement portées à l’encontre de Lubanga et Ntaganda. En effet, l’ensemble des chefs d’accusation est davantage représentatif des divers crimes graves qui auraient été commis par l’UPC en Ituri. Les nouvelles accusations sont importantes pour rendre justice aux victimes de ces crimes, qui appartiennent majoritairement à l’ethnie lendu, et leur permettre de participer à la procédure devant la CPI. Ceci n’avait pas été possible dans l’affaire Lubanga, pour laquelle les accusations étaient limitées à l’utilisation par l’UPC d’enfants soldats, la plupart originaires du groupe ethnique des hema, auquel appartenaient aussi les auteurs des violations.
L’audience de confirmation des charges à l’encontre de Ntaganda s’est tenue en février 2014. En juin de la même année, la Chambre préliminaire a confirmé l’ensemble des charges portées à l’encontre de Bosco Ntaganda.
Il s’agit aussi d’un signal fort adressé aux commandants coupables de violations et toujours en activité en RD Congo. La carrière militaire de Bosco Ntaganda, qui a transité d’un groupe armé à un autre, en étant intégré de manière occasionnelle au sein de l’armée congolaise, ressemble à celle d’autres dirigeants rebelles de la RD Congo, à qui le gouvernement a souvent alloué des postes, de l’argent ou du pouvoir alors que les civils continuaient de subir des exactions. Le délai considérable qui s’est écoulé avant le transfert de Bosco Ntaganda à la CPI montre que les violations graves continuent quand l’impunité persiste. Le fait de voir Bosco Ntaganda sur le banc des accusés à la CPI devrait rappeler aux autres dirigeants de groupes armés auteurs de violations qu’ils pourraient eux aussi faire l’objet de poursuites.
L’affaire Ntaganda pourrait par ailleurs montrer un aperçu des réformes en cours au sein du Bureau du Procureur de la CPI afin d’améliorer la qualité de ses enquêtes et poursuites. Des problèmes liés à la qualité et à la collecte de preuves avaient émergé dans le cadre de plusieurs affaires jugées par la CPI, parmi lesquelles les affaires Lubanga et Mathieu Ngudjolo. Depuis sa prise de fonction en tant que procureur en juin 2012, Fatou Bensouda a montré qu’elle entendait tirer des enseignements des expériences passées et améliorer le travail du Bureau.
Human Rights Watch a documenté en détail de graves violations des droits humains en Ituri au début des années 2000, notamment au travers de trois rapports publiés en 2001, 2003 et 2005. Même si la situation s’est considérablement stabilisée au cours des dernières années, des groupes armés sont toujours actifs dans certaines parties d’Ituri.
En 2006, après avoir quitté l’UPC suite à des conflits internes, Ntaganda est parti dans la province du Nord-Kivu, dans l’est de la RD Congo, où il est resté jusqu’à sa reddition à la CPI en 2013. Pendant cette période, alors qu’il était déjà recherché par la CPI, Human Rights Watch a documenté des massacres ethniques, des meurtres, des viols, des actes de torture et le recrutement d’enfants soldats par des groupes armés ou des unités de l’armée congolaise placés sous le commandement de Ntaganda.
Il est regrettable que le dossier du Bureau du Procureur ne reflète pas davantage la diversité des crimes qui auraient été commis par les troupes placées sous le commandement de Ntaganda. En conséquence, de nombreuses atrocités perpétrées dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu restent largement sans réponse judiciaire, à la fois à la CPI et devant les juridictions nationales en RD Congo. La Procureure de la CPI devrait enquêter sur les personnes portant la plus grande responsabilité pour ces crimes graves, notamment les responsables militaires et politiques de haut niveau qui ont soutenu les milices dans cette région-là, y compris celles de Ntaganda. Les commandants rebelles et ceux de l’armée congolaise impliqués dans des crimes graves qui ne sont pas recherchés par la CPI devraient rapidement faire l’objet d’enquêtes au niveau national par les autorités judiciaires congolaises.
Le prix de l’impunité : Violations commises par des troupes placées sous le commandement de Ntaganda dans le Nord-Kivu
En 2006, Ntaganda est devenu chef d’état-major du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), un groupe rebelle dirigé par des Tutsis dans la province du Nord-Kivu, et soutenu par le Rwanda. Parmi d’autres violations graves, les troupes du CNDP placées sous le commandement de Ntaganda ont massacré environ 150 personnes dans la ville de Kiwanja. Ntaganda était présent à ce moment-là, comme l’atteste une vidéo filmée par des journalistes étrangers.
Au début de 2009, les gouvernements rwandais et congolais ont conclu un accord : en échange de l’aide du Rwanda pour mettre fin à la rébellion du CNDP et placer son dirigeant, Laurent Nkunda, en résidence surveillée au Rwanda, le gouvernement congolais a intégré les combattants du CNDP dans l’armée congolaise et fait de Ntaganda un général et le commandant adjoint des opérations militaires dans l’est de la RD Congo. Ceci en dépit du mandat d’arrêt de la CPI délivré contre lui et de l’obligation juridique du gouvernement congolais de l’arrêter.
Ntaganda est devenu plus tard le commandant de facto des opérations militaires et s’est servi de cette position pour créer une structure de commandement parallèle dans l’armée congolaise, avec d’anciens soldats du CNDP qui lui étaient restés fidèles. Les troupes de l’armée placées sous le commandement de Ntaganda ont mené de nombreuses attaques contre des civils, notamment des meurtres, des viols, et l’incendie de maisons. Pour la seule année 2009, Human Rights Watch a documenté les meurtres de plus de 730 civils par des soldats de l’armée congolaise et leurs alliés au cours d’opérations militaires contre les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe armé rwandais largement composé de Hutus, dont certains membres ont participé au génocide de 1994 au Rwanda. La plupart de ces meurtres ont été commis par d’anciens éléments du CNDP placés sous le commandement de Ntaganda.
Lors d’un incident survenu entre les 27 et 30 avril 2009, des soldats congolais ont attaqué des camps de réfugiés dans la région de Shalio Hill et ont tué au moins 129 réfugiés hutus rwandais, principalement des femmes et des enfants. Au cours du même incident, les soldats ont enlevé au moins 40 femmes et filles réfugiées, les ont détenues comme esclaves sexuelles, les ont soumises à des viols collectifs et les ont mutilées.
De 2009 à 2011, Ntaganda a mené une campagne brutale contre ceux qu’il considérait comme des opposants militaires et civils, et aurait ordonné des assassinats, des arrestations arbitraires, et d’autres actes illicites. Il a recruté des enfants soldats et contrecarré les efforts menés en vue de leur démobilisation. Il a fait obstruction aux enquêtes judiciaires sur des exactions commises par ses partisans et a fait usage de son influence dans l’armée afin de confisquer des terres et accroître sa fortune personnelle.
En avril 2012, après que le gouvernement congolais ait indiqué qu’il avait l’intention d’arrêter Ntaganda et de briser la structure de commandement parallèle dans l’armée, Ntaganda et ses partisans ont déserté et ont formé un nouveau groupe rebelle, le M23, nommé d’après l’accord de paix du 23 mars 2009 entre le gouvernement et le CNDP. Les combattants du M23 ont à leur tour commis de nombreuses exactions graves, notamment des exécutions sommaires, des viols, et le recrutement d’enfants soldats.
La coopération des États-Unis – qui n’est pourtant pas un pays membre de la CPI – a été essentielle pour permettre le transfèrement rapide et efficace de Ntaganda à la CPI, le 22 mars 2013. La coopération du Rwanda et de la RD Congo, qui ne se sont pas opposés au transfèrement, a également facilité cette procédure.
Le 15 juin, la Présidence de la CPI, qui a autorité pour décider du déroulement des procédures in situ, a annoncé que l’ouverture du procès aurait lieu à La Haye.
La Présidence de la CPI a pris la décision de ne pas organiser de procédure in situ après avoir consulté les parties à l’affaire, le Greffe de la Cour et les autres acteurs concernés, tels que le gouvernement congolais et la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO). La Présidence a estimé qu’un certain nombre d’aspects négatifs l’emportaient sur les avantages qu’auraient pu avoir une ouverture du procès in situ dans cette affaire. Parmi ces aspects négatifs se trouvaient les risques liés à la sécurité, le traumatisme que le retour de l’accusé (qui aurait été présent en Ituri pour l’ouverture du procès, tout en restant détenu par la CPI) aurait pu causer chez les victimes et les témoins, et les coûts, qui dépassaient 600 000 €.
Human Rights Watch estime que la proximité des procédures judiciaires des lieux où les crimes ont été commis peut aider les communautés locales à voir la justice rendue, améliorer la participation des victimes et contribuer à davantage attirer l’attention des médias et du grand public sur la justice. Human Rights Watch encourage la Cour à envisager de tenir des audiences in situ pour d’autres parties du procès de Bosco Ntganda qui pourraient s’y prêter davantage ou, au minimum, d’organiser une descente judiciaire sur les lieux des crimes.
Par ailleurs, la CPI a subi de la part de ses États membres et de ses observateurs une pression justifiée pour améliorer son efficacité. Si l’on comptabilise la phase précédant l’instruction, le procès et la procédure d’appel, l’affaire Lubanga s’est étalée sur presque huit ans devant la Cour. Les procédures en réparation pour les victimes des crimes de Lubanga sont toujours en cours. Bien entendu, l’affaire Lubanga, en tant que première affaire de ce type devant la CPI, présentait un certain nombre de problèmes complexes devant être résolus pour la première fois. Les juges la CPI, cependant, travaillent actuellement à l’adoption de mesures visant à améliorer l’efficacité des procédures, notamment en harmonisant les méthodes employées par les chambres et en mettant en application les leçons tirées des précédents procès.
La divulgation progressive des documents entre les parties, exigée par le Statut de Rome, est en cours depuis la phase de préparation de l’audience de confirmation des charges.
Les avocats de Bosco Ntaganda ont demandé à deux reprises le report du procès en raison du grand nombre d’éléments divulgués par le Bureau du Procureur au cours des derniers mois, des retards pris dans la divulgation de l’identité de certains témoins du Bureau du Procureur, et de la nécessité pour la Défense de mener des enquêtes complémentaires relatives à ces nouvelles informations. La Chambre de première instance a reporté les déclarations d’ouverture par deux fois et a organisé la présentation des preuves du Bureau du Procureur en plusieurs temps afin d’accorder à la Défense un délai de préparation suffisant.
Conformément au Statut de Rome, Ntaganda a le droit d’obtenir que la procédure soit tenue dans une langue qu’il comprend et parle parfaitement. Lors de sa comparution initiale devant la cour, il a indiqué qu’il « comprend un peu le français... mais parle kinyarwanda couramment ». Après avoir pris en compte d’un côté l’équité du procès et de l’autre les coûts potentiels et les retards occasionnés par de longues traductions, la Cour a décidé d’autoriser l’interprétation en Kinyarwanda pendant le procès et la traduction dans cette langue de documents importants et complexes. Les autres documents seront traduits uniquement en français, qui est l’une des langues officielles de la CPI.
Ntaganda a déclaré à la Cour qu’il est indigent et n’est pas en mesure de payer pour sa représentation en justice. Le Greffier de la CPI, administrateur en chef de la Cour, lui a octroyé une aide judiciaire provisoire. Toutefois, cette décision peut être annulée à tout moment si l’enquête financière menée par le Greffier montre que Ntaganda est en mesure d’assumer les frais de sa défense.
Les pays concernés devraient coopérer avec la CPI dans ses efforts visant à identifier les biens d’un suspect et les saisir si la Cour leur demande de le faire. Établir une évaluation précise des ressources de Ntaganda est également dans l’intérêt des victimes qui chercheront à obtenir des réparations pour les crimes qu’elles ont subis. Ntaganda est soupçonné d’avoir amassé une fortune considérable pendant la période où il était chef rebelle et général de l’armée dans l’est de la RD Congo, notamment à travers la prise de contrôle de terres fertiles et de bétail, ainsi que le pillage et le trafic de minerais.
Conformément au Statut de Rome, qui a mis en place un système innovant de participation des victimes pour la première fois devant un tribunal pénal international, les victimes des crimes allégués peuvent faire part de leurs « vues et préoccupations » aux juges pendant le procès de Bosco Ntaganda. La participation des victimes est une caractéristique importante de la CPI qui peut contribuer à rapprocher les victimes d’une cour située à des milliers de kilomètres des lieux où les crimes ont été commis. En tant que participants, les victimes are une partie de plein droit au procès, bien que cette action s’exerce habituellement par l’intermédiaire d’un représentant légal, à savoir un avocat nommé pour représenter un groupe de victimes. Seules quelques victimes se présenteront en personne devant la Cour. Ce rôle est différent de celui de victimes se présentant comme témoin pour le Bureau du Procureur.
La Chambre de première instance a attribué le statut de participants au procès de Bosco Ntaganda à 1079 victimes. Les victimes sont divisées en deux groupes distincts : le premier compte 156 anciens enfants soldats de l’UPC et leurs proches, et le deuxième se compose de 923 victimes d’attaques de l’UPC et de leurs proches. La création de deux groupes distincts fait suite aux inquiétudes des victimes candidates au statut de participants qui craignaient que les deux principaux groupes ethniques touchés par le conflit en Ituri, les Hemas et les Lendus, puissent avoir des opinions divergentes concernant l’affaire.
Chaque groupe de victimes est représenté par un représentant légal du Bureau du conseil public pour les victimes (BCPV) de la CPI aidé d’un assistant basé en RD Congo et chargé de maintenir un contact régulier avec les victimes. Les représentants légaux des victimes pourront faire des déclarations d’ouverture et prendre part à l’ensemble des audiences. Ils pourront également interroger les victimes et présenter des preuves après avoir obtenu l’autorisation de la chambre.
Depuis 2004, le Greffe de la CPI a œuvré pour s’assurer que les informations sur les procédures de la CPI soient diffusées auprès des communautés touchées par les crimes de la RD Congo, ainsi qu’auprès de journalistes, de militants des droits humains, d’avocats, et de personnel judiciaire. La CPI produit régulièrement des résumés audio et vidéo des procédures judiciaires. De telsrésumés portant sur les déclarations d’ouverture et les principaux éléments du procès à l’encontre de Ntaganda, présentés et soumis à la discussion lors d’événements organisés par le personnel de la CPI en plusieurs lieux en RD Congo, joueront un rôle important auprès des communautés touchées et d’autres parties intéressées pour les sensibiliser et pour améliorer leur compréhension des procédures.
La Cour devrait élaborer une Stratégie de communication pour veiller à ce que les informations relatives au procès de Bosco Ntaganda soient largement diffusées, comme elle l’a fait lors du procès de Lubanga. Étant donné que le procès débutera à La Haye, la Cour devrait envisager d’organiser une retransmission vidéo en direct à Bunia, qui pourrait être suivie d’une discussion avec le personnel de la CPI pour répondre aux questions qui pourraient être soulevées. Une retransmission vidéo publique devrait également être organisée à Goma, la capitale du Nord-Kivu, en raison de l’intérêt pour Bosco Ntaganda, et des crimes qu’il aurait commis avec ses troupes là-bas.
La Cour devrait également envisager d’inviter des journalistes congolais à La Haye, de manière à encourager une couverture indépendante par les médias congolais des déclarations d’ouverture.
Cette interprétation ne tient pas compte de certains faits importants. C’est bien l’absence de justice – et non des tentatives de traduire les agresseurs en justice – qui a encouragé les cycles de violence dans l’est de la RD Congo au cours des deux dernières décennies. Les commandants militaires tels que Ntaganda ont pu constater à maintes reprises qu’il n’y avait pas de prix à payer pour les atrocités commises contre les civils. Au contraire, ceux qui étaient impliqués dans de graves violations ont été régulièrement récompensés par une intégration dans l’armée congolaise et, dans de nombreux cas, ont continué à attaquer les populations civiles alors qu’ils étaient officiers de l’armée congolaise. Ceci a favorisé l’émergence de nombreux nouveaux groupes armés, dont un grand nombre se sont engagés dans des violations similaires.
Ntaganda n’a jamais été un « instrument de paix », comme l’a affirmé le gouvernement congolais à un moment donné. Les soldats sous le contrôle de Ntaganda se sont livrés à des exactions, même après que Ntaganda ait été promu général au sein de l’armée congolaise. Ntaganda a également été impliqué dans des assassinats ciblés, des disparitions forcées et la détention arbitraire de personnes qui ont appelé à son arrestation ou dénoncé les allégations d’exactions et cela jusqu’à ce qu’il finisse par fuir la RD Congo et se rendre.
Outre Bosco Ntaganda, plusieurs anciens hauts commandants du M23 avaient été impliqués dans de graves violations des droits humains, notamment Sultani Makenga, Innocent Zimurinda, Baudouin Ngaruye, Innocent Kayna, et Eric Badege, entre autres. Human Rights Watch a documenté des massacres ethniques, le recrutement d’enfants, le viol à grande échelle, des meurtres, des enlèvements et des actes de torture commis par des troupes placées sous leur commandement. Au moins six anciens dirigeants du M23, en plus de Ntaganda, figurent sur les listes de sanctions des Nations Unies et des États-Unis, ce qui entraîne pour eux une interdiction de voyager et un gel de leurs avoirs.
Après la défaite du M23 en 2013, les commandants du M23 et bon nombre de leurs soldats ont fui la RD Congo vers le Rwanda et l’Ouganda voisins. Les autorités congolaises ont délivré des mandats d’arrêt à l’encontre de plusieurs hauts dirigeants du M23 pour des chefs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, mais aucun d’entre eux n’a été arrêté.
Human Rights Watch a exhorté les autorités congolaises à prendre des mesures qui pourraient faciliter l’extradition des dirigeants du M23 depuis l’Ouganda et le Rwanda, en abordant les problèmes relatifs à leur sécurité ainsi que les questions relatives à leur droit à un procès équitable et à la peine de mort en RD Congo. S’ils n’extradent pas les dirigeants du M23 vers la RD Congo, l’Ouganda et le Rwanda doivent, au titre de leurs obligations découlant du droit international humanitaire coutumier et de la Convention contre la torture, mener des enquêtes et lancer les poursuites adéquates à leur encontre. Human Rights Watch n’a connaissance d’aucune enquête menée par les autorités rwandaises ou ougandaises sur le rôle qu’auraient joué les anciens dirigeants du M23 se trouvant actuellement sur leur territoire en lien avec des crimes commis en RD Congo, ni d’aucune autre mesure prise par les gouvernements de ces pays pour traduire ces personnes en justice.
Si des procès équitables et crédibles ne sont pas tenus, il y a lieu de s’inquiéter que ces individus pourraient démarrer une nouvelle rébellion et poursuivre leurs exactions.
La Procureure de la CPI a ouvert des dossiers publics relatifs à six suspects en lien avec les crimes qui auraient été commis en RD Congo. Lors de la première phase de son enquête, la CPI a poursuivi quatre dirigeants de groupes rebelles accusés de crimes en Ituri : Lubanga, Ntaganda, Ngudjolo, et Germain Katanga. Comme cela est mentionné plus haut, Lubanga a été condamné en 2012 pour le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats en Ituri et condamné à 14 années de prison. Katanga a été déclaré coupable et condamné à 12 ans de prison. Il n’a pas souhaité faire appel. Ngudjolo a été acquitté et est rentré en RD Congo en mai 2015. Ntaganda est le dernier accusé à être jugé pour des accusations liées au conflit en Ituri.
Concernant les crimes commis dans les provinces du Kivu, dans l’est de la RD Congo, la CPI a délivré des mandats d’arrêt à l’encontre de deux dirigeants des FDLR, un groupe armé rwandais majoritairement hutu, dont certains membres ont pris part au génocide rwandais en 1994. Callixte Mbarushimana, secrétaire exécutif des FDLR, a été arrêté en France en octobre 2010, mais les juges de la Chambre préliminaire ont refusé de confirmer les charges portées contre lui pour manque de preuves. Il a été libéré en décembre 2011. Le Général Sylvestre Mudacumura, commandant militaire des FDLR, est encore en RD Congo, hors d’atteinte de la justice.
Globalement, toutefois, le nombre des affaires relatives à la RD Congo devant la CPI et les accusés qu’elles visent ne répondent pas à l’ampleur des crimes commis depuis 2002 (date à partir de laquelle la CPI est compétente).
Au cours d’une visite à Kinshasa en mars 2014, et de nouveau dans un communiqué de presse à propos du jugement d’appel dans l’affaire Lubanga, Fatou Bensouda, Procureure de la CPI, a déclaré que son Bureau « poursuit son action en République démocratique du Congo, avec le concours des autorités congolaises, pour briser la spirale de la violence dans ce pays ainsi que dans l’ensemble de la région des Grands Lacs. »
Human Rights Watch a appelé à plusieurs reprises le Bureau du Procureur de la CPI à explorer la dimension régionale du conflit en RD Congo, notamment en enquêtant sur le rôle de responsables politiques et militaires de haut niveau en RD Congo, au Rwanda, et en Ouganda qui ont soutenu, armé et financé des groupes armés violents dans l’est de la RD Congo au fil des ans. Par exemple, en 2012 et 2013, Human Rights Watch a documenté le soutien rwandais à la rébellion du M23 de Ntaganda, qui n’est pas sans rappeler le soutien à des groupes armés violents précédents, notamment le CNDP et l’UPC. Human Rights Watch a également appelé la Procureure de la CPI à enquêter sur les crimes présumés commis par l’armée congolaise et, si les preuves le permettent, à poursuivre les principaux responsables. Ces étapes sont cruciales pour que la CPI apporte une véritable contribution à la justice en RD Congo.
Human Rights Watch a conscience que la CPI enquête sur des crimes internationaux dans sept autres pays, qu’elle envisage la possibilité de mener des enquêtes dans au moins neuf autres et qu’il est possible qu’elle manque aujourd’hui de ressources pour se charger de nouvelles affaires liées à la RD Congo. Néanmoins, le Bureau du Procureur devrait réfléchir à la manière dont il pourrait le faire dans les années à venir et devrait concevoir une stratégie visant à répondre aux besoins en matière de lutte contre l’impunité qui existe encore en RD Congo. Pour cela, la Cour a évidemment besoin du soutien solide et à long terme de ses États membres, qui devraient s’engager à lui allouer des ressources suffisantes afin qu’elle puisse répondre de façon appropriée à la situation en RD Congo ainsi qu’à celles d’autres pays relevant de son mandat.
La CPI n’a toutefois jamais été destinée à mener des enquêtes et des poursuites contre tous les responsables de crimes internationaux graves en RD Congo – elle n’en a pas la capacité. En vertu du principe de « complémentarité » du Statut de Rome, les autorités nationales conservent la responsabilité première de traduire en justice les responsables de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide.
Au cours des dix dernières années, les tribunaux militaires congolais ont engagé des poursuites dans un certain nombre d’affaires liées à des crimes de guerre et à des crimes contre l’humanité, mais il reste beaucoup à faire pour s’attaquer efficacement à l’impunité qui entoure les graves crimes internationaux commis en RD Congo. Afin de renforcer la capacité des tribunaux nationaux congolais à traiter ces affaires, le gouvernement congolais a envisagé la possibilité d’un mécanisme hybride spécialisé au sein des tribunaux nationaux, qui serait exclusivement chargé de traiter les affaires de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide, et dont le personnel serait recruté au niveau national et international. Human Rights Watch estime qu’un tel mécanisme contribuerait grandement à renforcer les capacités et l’indépendance des tribunaux nationaux dans la prise en charge des graves crimes internationaux.
Par Human Rights Watch
- Qui est Bosco Ntaganda ?
Ntaganda est né en 1973 à Kinigi, au Rwanda. Alors qu’il était un jeune adolescent, il a fui en RD Congo dans le contexte d’attaques menées contre les Tutsis au Rwanda. Il a commencé sa carrière militaire en 1990 au sein du Front patriotique rwandais (FPR), un groupe rebelle rwandais basé en Ouganda ; le FPR a par la suite mis fin au génocide au Rwanda en 1994 et a formé le gouvernement qui est encore au pouvoir aujourd’hui au Rwanda. Ntaganda a ensuite rejoint l’Armée patriotique rwandaise (formée par le FPR) et a participé à l’invasion de la RD Congo en 1996. En 1998, lors de la « deuxième guerre de la RD Congo », il a rejoint un groupe rebelle congolais soutenu par le Rwanda, le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD). Il a ensuite transité par différentes milices congolaises avant de rejoindre l’Union des patriotes congolais (UPC) en 2002. L’UPC était un groupe armé qui prétendait défendre les intérêts de l’ethnie hema dans le district de l’Ituri, dans le nord-est de la RD Congo.
De 2002 à 2005, Ntaganda a servi comme chef des opérations militaires sous le dirigeant de l’UPC, Thomas Lubanga. Pendant cette période, les forces placées sous le commandement de Ntaganda ont été impliquées dans de nombreuses violations graves de droits humains, notamment des massacres ethniques, des actes de torture et de viol, et le recrutement à grande échelle d’enfants, certains âgés de sept ans à peine. Lubanga a été la première personne à être jugée devant la CPI. Il a été reconnu coupable en 2012 de recrutement et d’utilisation d’enfants soldats en Ituri et condamné à 14 ans de prison. Cette peine a été confirmée en appel, en décembre 2014. Ntaganda était le co-accusé dans cette affaire, mais il a réussi à échapper à la justice jusqu’à sa reddition [LINK TO Q#6 IN THIS DOCUMENT] en 2013.
Pendant ce temps-là, il a continué à diriger des troupes responsables de graves exactions et a reçu un soutien important de la part de supporters au sein de l’armée rwandaise.
- Quelles sont les charges retenues par la CPI à son encontre ?
La CPI a délivré un deuxième mandat d’arrêt à l’encontre de Bosco Ntaganda en juillet 2012, dans lequel figuraient quatre nouveaux chefs de crimes de guerre et trois nouveaux chefs de crimes contre l’humanité.
Le Bureau du Procureur a par la suite ajouté de nouveaux chefs d’accusation, ce qui porte à 13 le nombre de chefs de crimes de guerre et à cinq le nombre de chefs de crimes contre l’humanité. Bosco Ntaganda est accusé de meurtre et tentative de meurtre, d’attaque contre des civils, de viol, d’esclavage sexuel de civils, de pillage, de déplacement de civils, d’attaques contre des biens protégés et d’enrôlement et de conscription d’enfants âgés de moins de quinze ans au sein de forces rebelles et leur utilisation pour les faire participer activement à des hostilités, des crimes qui auraient été commis en Ituri en 2002 et 2003.
Les nouvelles charges portées à l’encontre de Bosco Ntaganda répondent partiellement aux préoccupations exprimées par des militants congolais et par Human Rights Watch concernant la portée limitée des accusations initialement portées à l’encontre de Lubanga et Ntaganda. En effet, l’ensemble des chefs d’accusation est davantage représentatif des divers crimes graves qui auraient été commis par l’UPC en Ituri. Les nouvelles accusations sont importantes pour rendre justice aux victimes de ces crimes, qui appartiennent majoritairement à l’ethnie lendu, et leur permettre de participer à la procédure devant la CPI. Ceci n’avait pas été possible dans l’affaire Lubanga, pour laquelle les accusations étaient limitées à l’utilisation par l’UPC d’enfants soldats, la plupart originaires du groupe ethnique des hema, auquel appartenaient aussi les auteurs des violations.
L’audience de confirmation des charges à l’encontre de Ntaganda s’est tenue en février 2014. En juin de la même année, la Chambre préliminaire a confirmé l’ensemble des charges portées à l’encontre de Bosco Ntaganda.
- Pourquoi le procès de Ntaganda est-il important ?
Il s’agit aussi d’un signal fort adressé aux commandants coupables de violations et toujours en activité en RD Congo. La carrière militaire de Bosco Ntaganda, qui a transité d’un groupe armé à un autre, en étant intégré de manière occasionnelle au sein de l’armée congolaise, ressemble à celle d’autres dirigeants rebelles de la RD Congo, à qui le gouvernement a souvent alloué des postes, de l’argent ou du pouvoir alors que les civils continuaient de subir des exactions. Le délai considérable qui s’est écoulé avant le transfert de Bosco Ntaganda à la CPI montre que les violations graves continuent quand l’impunité persiste. Le fait de voir Bosco Ntaganda sur le banc des accusés à la CPI devrait rappeler aux autres dirigeants de groupes armés auteurs de violations qu’ils pourraient eux aussi faire l’objet de poursuites.
L’affaire Ntaganda pourrait par ailleurs montrer un aperçu des réformes en cours au sein du Bureau du Procureur de la CPI afin d’améliorer la qualité de ses enquêtes et poursuites. Des problèmes liés à la qualité et à la collecte de preuves avaient émergé dans le cadre de plusieurs affaires jugées par la CPI, parmi lesquelles les affaires Lubanga et Mathieu Ngudjolo. Depuis sa prise de fonction en tant que procureur en juin 2012, Fatou Bensouda a montré qu’elle entendait tirer des enseignements des expériences passées et améliorer le travail du Bureau.
- Que s’est-il s’est passé en Ituri ?
Human Rights Watch a documenté en détail de graves violations des droits humains en Ituri au début des années 2000, notamment au travers de trois rapports publiés en 2001, 2003 et 2005. Même si la situation s’est considérablement stabilisée au cours des dernières années, des groupes armés sont toujours actifs dans certaines parties d’Ituri.
- L’affaire Ntaganda à la CPI porte-t-elle sur d’autres allégations que les crimes qui auraient été commis en Ituri en 2002 et 2003 ?
En 2006, après avoir quitté l’UPC suite à des conflits internes, Ntaganda est parti dans la province du Nord-Kivu, dans l’est de la RD Congo, où il est resté jusqu’à sa reddition à la CPI en 2013. Pendant cette période, alors qu’il était déjà recherché par la CPI, Human Rights Watch a documenté des massacres ethniques, des meurtres, des viols, des actes de torture et le recrutement d’enfants soldats par des groupes armés ou des unités de l’armée congolaise placés sous le commandement de Ntaganda.
Il est regrettable que le dossier du Bureau du Procureur ne reflète pas davantage la diversité des crimes qui auraient été commis par les troupes placées sous le commandement de Ntaganda. En conséquence, de nombreuses atrocités perpétrées dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu restent largement sans réponse judiciaire, à la fois à la CPI et devant les juridictions nationales en RD Congo. La Procureure de la CPI devrait enquêter sur les personnes portant la plus grande responsabilité pour ces crimes graves, notamment les responsables militaires et politiques de haut niveau qui ont soutenu les milices dans cette région-là, y compris celles de Ntaganda. Les commandants rebelles et ceux de l’armée congolaise impliqués dans des crimes graves qui ne sont pas recherchés par la CPI devraient rapidement faire l’objet d’enquêtes au niveau national par les autorités judiciaires congolaises.
Le prix de l’impunité : Violations commises par des troupes placées sous le commandement de Ntaganda dans le Nord-Kivu
En 2006, Ntaganda est devenu chef d’état-major du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), un groupe rebelle dirigé par des Tutsis dans la province du Nord-Kivu, et soutenu par le Rwanda. Parmi d’autres violations graves, les troupes du CNDP placées sous le commandement de Ntaganda ont massacré environ 150 personnes dans la ville de Kiwanja. Ntaganda était présent à ce moment-là, comme l’atteste une vidéo filmée par des journalistes étrangers.
Au début de 2009, les gouvernements rwandais et congolais ont conclu un accord : en échange de l’aide du Rwanda pour mettre fin à la rébellion du CNDP et placer son dirigeant, Laurent Nkunda, en résidence surveillée au Rwanda, le gouvernement congolais a intégré les combattants du CNDP dans l’armée congolaise et fait de Ntaganda un général et le commandant adjoint des opérations militaires dans l’est de la RD Congo. Ceci en dépit du mandat d’arrêt de la CPI délivré contre lui et de l’obligation juridique du gouvernement congolais de l’arrêter.
Ntaganda est devenu plus tard le commandant de facto des opérations militaires et s’est servi de cette position pour créer une structure de commandement parallèle dans l’armée congolaise, avec d’anciens soldats du CNDP qui lui étaient restés fidèles. Les troupes de l’armée placées sous le commandement de Ntaganda ont mené de nombreuses attaques contre des civils, notamment des meurtres, des viols, et l’incendie de maisons. Pour la seule année 2009, Human Rights Watch a documenté les meurtres de plus de 730 civils par des soldats de l’armée congolaise et leurs alliés au cours d’opérations militaires contre les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe armé rwandais largement composé de Hutus, dont certains membres ont participé au génocide de 1994 au Rwanda. La plupart de ces meurtres ont été commis par d’anciens éléments du CNDP placés sous le commandement de Ntaganda.
Lors d’un incident survenu entre les 27 et 30 avril 2009, des soldats congolais ont attaqué des camps de réfugiés dans la région de Shalio Hill et ont tué au moins 129 réfugiés hutus rwandais, principalement des femmes et des enfants. Au cours du même incident, les soldats ont enlevé au moins 40 femmes et filles réfugiées, les ont détenues comme esclaves sexuelles, les ont soumises à des viols collectifs et les ont mutilées.
De 2009 à 2011, Ntaganda a mené une campagne brutale contre ceux qu’il considérait comme des opposants militaires et civils, et aurait ordonné des assassinats, des arrestations arbitraires, et d’autres actes illicites. Il a recruté des enfants soldats et contrecarré les efforts menés en vue de leur démobilisation. Il a fait obstruction aux enquêtes judiciaires sur des exactions commises par ses partisans et a fait usage de son influence dans l’armée afin de confisquer des terres et accroître sa fortune personnelle.
En avril 2012, après que le gouvernement congolais ait indiqué qu’il avait l’intention d’arrêter Ntaganda et de briser la structure de commandement parallèle dans l’armée, Ntaganda et ses partisans ont déserté et ont formé un nouveau groupe rebelle, le M23, nommé d’après l’accord de paix du 23 mars 2009 entre le gouvernement et le CNDP. Les combattants du M23 ont à leur tour commis de nombreuses exactions graves, notamment des exécutions sommaires, des viols, et le recrutement d’enfants soldats.
- Comment Ntaganda a-t-il fini en détention à la CPI?
La coopération des États-Unis – qui n’est pourtant pas un pays membre de la CPI – a été essentielle pour permettre le transfèrement rapide et efficace de Ntaganda à la CPI, le 22 mars 2013. La coopération du Rwanda et de la RD Congo, qui ne se sont pas opposés au transfèrement, a également facilité cette procédure.
- Le procès de Bosco Ntaganda n’était-il pas censé débuter en Ituri, RD Congo ?
Le 15 juin, la Présidence de la CPI, qui a autorité pour décider du déroulement des procédures in situ, a annoncé que l’ouverture du procès aurait lieu à La Haye.
La Présidence de la CPI a pris la décision de ne pas organiser de procédure in situ après avoir consulté les parties à l’affaire, le Greffe de la Cour et les autres acteurs concernés, tels que le gouvernement congolais et la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO). La Présidence a estimé qu’un certain nombre d’aspects négatifs l’emportaient sur les avantages qu’auraient pu avoir une ouverture du procès in situ dans cette affaire. Parmi ces aspects négatifs se trouvaient les risques liés à la sécurité, le traumatisme que le retour de l’accusé (qui aurait été présent en Ituri pour l’ouverture du procès, tout en restant détenu par la CPI) aurait pu causer chez les victimes et les témoins, et les coûts, qui dépassaient 600 000 €.
Human Rights Watch estime que la proximité des procédures judiciaires des lieux où les crimes ont été commis peut aider les communautés locales à voir la justice rendue, améliorer la participation des victimes et contribuer à davantage attirer l’attention des médias et du grand public sur la justice. Human Rights Watch encourage la Cour à envisager de tenir des audiences in situ pour d’autres parties du procès de Bosco Ntganda qui pourraient s’y prêter davantage ou, au minimum, d’organiser une descente judiciaire sur les lieux des crimes.
- Combien de temps le procès de Bosco Ntaganda va-t-il durer ?
Par ailleurs, la CPI a subi de la part de ses États membres et de ses observateurs une pression justifiée pour améliorer son efficacité. Si l’on comptabilise la phase précédant l’instruction, le procès et la procédure d’appel, l’affaire Lubanga s’est étalée sur presque huit ans devant la Cour. Les procédures en réparation pour les victimes des crimes de Lubanga sont toujours en cours. Bien entendu, l’affaire Lubanga, en tant que première affaire de ce type devant la CPI, présentait un certain nombre de problèmes complexes devant être résolus pour la première fois. Les juges la CPI, cependant, travaillent actuellement à l’adoption de mesures visant à améliorer l’efficacité des procédures, notamment en harmonisant les méthodes employées par les chambres et en mettant en application les leçons tirées des précédents procès.
- Quels sont les droits de Bosco Ntaganda pendant le procès ?
La divulgation progressive des documents entre les parties, exigée par le Statut de Rome, est en cours depuis la phase de préparation de l’audience de confirmation des charges.
Les avocats de Bosco Ntaganda ont demandé à deux reprises le report du procès en raison du grand nombre d’éléments divulgués par le Bureau du Procureur au cours des derniers mois, des retards pris dans la divulgation de l’identité de certains témoins du Bureau du Procureur, et de la nécessité pour la Défense de mener des enquêtes complémentaires relatives à ces nouvelles informations. La Chambre de première instance a reporté les déclarations d’ouverture par deux fois et a organisé la présentation des preuves du Bureau du Procureur en plusieurs temps afin d’accorder à la Défense un délai de préparation suffisant.
Conformément au Statut de Rome, Ntaganda a le droit d’obtenir que la procédure soit tenue dans une langue qu’il comprend et parle parfaitement. Lors de sa comparution initiale devant la cour, il a indiqué qu’il « comprend un peu le français... mais parle kinyarwanda couramment ». Après avoir pris en compte d’un côté l’équité du procès et de l’autre les coûts potentiels et les retards occasionnés par de longues traductions, la Cour a décidé d’autoriser l’interprétation en Kinyarwanda pendant le procès et la traduction dans cette langue de documents importants et complexes. Les autres documents seront traduits uniquement en français, qui est l’une des langues officielles de la CPI.
- Qui règlera les honoraires de l’avocat de Ntaganda ?
Ntaganda a déclaré à la Cour qu’il est indigent et n’est pas en mesure de payer pour sa représentation en justice. Le Greffier de la CPI, administrateur en chef de la Cour, lui a octroyé une aide judiciaire provisoire. Toutefois, cette décision peut être annulée à tout moment si l’enquête financière menée par le Greffier montre que Ntaganda est en mesure d’assumer les frais de sa défense.
Les pays concernés devraient coopérer avec la CPI dans ses efforts visant à identifier les biens d’un suspect et les saisir si la Cour leur demande de le faire. Établir une évaluation précise des ressources de Ntaganda est également dans l’intérêt des victimes qui chercheront à obtenir des réparations pour les crimes qu’elles ont subis. Ntaganda est soupçonné d’avoir amassé une fortune considérable pendant la période où il était chef rebelle et général de l’armée dans l’est de la RD Congo, notamment à travers la prise de contrôle de terres fertiles et de bétail, ainsi que le pillage et le trafic de minerais.
Conformément au Statut de Rome, qui a mis en place un système innovant de participation des victimes pour la première fois devant un tribunal pénal international, les victimes des crimes allégués peuvent faire part de leurs « vues et préoccupations » aux juges pendant le procès de Bosco Ntaganda. La participation des victimes est une caractéristique importante de la CPI qui peut contribuer à rapprocher les victimes d’une cour située à des milliers de kilomètres des lieux où les crimes ont été commis. En tant que participants, les victimes are une partie de plein droit au procès, bien que cette action s’exerce habituellement par l’intermédiaire d’un représentant légal, à savoir un avocat nommé pour représenter un groupe de victimes. Seules quelques victimes se présenteront en personne devant la Cour. Ce rôle est différent de celui de victimes se présentant comme témoin pour le Bureau du Procureur.
La Chambre de première instance a attribué le statut de participants au procès de Bosco Ntaganda à 1079 victimes. Les victimes sont divisées en deux groupes distincts : le premier compte 156 anciens enfants soldats de l’UPC et leurs proches, et le deuxième se compose de 923 victimes d’attaques de l’UPC et de leurs proches. La création de deux groupes distincts fait suite aux inquiétudes des victimes candidates au statut de participants qui craignaient que les deux principaux groupes ethniques touchés par le conflit en Ituri, les Hemas et les Lendus, puissent avoir des opinions divergentes concernant l’affaire.
Chaque groupe de victimes est représenté par un représentant légal du Bureau du conseil public pour les victimes (BCPV) de la CPI aidé d’un assistant basé en RD Congo et chargé de maintenir un contact régulier avec les victimes. Les représentants légaux des victimes pourront faire des déclarations d’ouverture et prendre part à l’ensemble des audiences. Ils pourront également interroger les victimes et présenter des preuves après avoir obtenu l’autorisation de la chambre.
- Comment les personnes en RD Congo suivront-elles les débats à La Haye ?
Depuis 2004, le Greffe de la CPI a œuvré pour s’assurer que les informations sur les procédures de la CPI soient diffusées auprès des communautés touchées par les crimes de la RD Congo, ainsi qu’auprès de journalistes, de militants des droits humains, d’avocats, et de personnel judiciaire. La CPI produit régulièrement des résumés audio et vidéo des procédures judiciaires. De telsrésumés portant sur les déclarations d’ouverture et les principaux éléments du procès à l’encontre de Ntaganda, présentés et soumis à la discussion lors d’événements organisés par le personnel de la CPI en plusieurs lieux en RD Congo, joueront un rôle important auprès des communautés touchées et d’autres parties intéressées pour les sensibiliser et pour améliorer leur compréhension des procédures.
La Cour devrait élaborer une Stratégie de communication pour veiller à ce que les informations relatives au procès de Bosco Ntaganda soient largement diffusées, comme elle l’a fait lors du procès de Lubanga. Étant donné que le procès débutera à La Haye, la Cour devrait envisager d’organiser une retransmission vidéo en direct à Bunia, qui pourrait être suivie d’une discussion avec le personnel de la CPI pour répondre aux questions qui pourraient être soulevées. Une retransmission vidéo publique devrait également être organisée à Goma, la capitale du Nord-Kivu, en raison de l’intérêt pour Bosco Ntaganda, et des crimes qu’il aurait commis avec ses troupes là-bas.
La Cour devrait également envisager d’inviter des journalistes congolais à La Haye, de manière à encourager une couverture indépendante par les médias congolais des déclarations d’ouverture.
- N’est-ce pas la pression pour arrêter Bosco Ntaganda et le transférer à la CPI qui l’a conduit à lancer une nouvelle rébellion dans la province du Nord-Kivu en 2012 ?
Cette interprétation ne tient pas compte de certains faits importants. C’est bien l’absence de justice – et non des tentatives de traduire les agresseurs en justice – qui a encouragé les cycles de violence dans l’est de la RD Congo au cours des deux dernières décennies. Les commandants militaires tels que Ntaganda ont pu constater à maintes reprises qu’il n’y avait pas de prix à payer pour les atrocités commises contre les civils. Au contraire, ceux qui étaient impliqués dans de graves violations ont été régulièrement récompensés par une intégration dans l’armée congolaise et, dans de nombreux cas, ont continué à attaquer les populations civiles alors qu’ils étaient officiers de l’armée congolaise. Ceci a favorisé l’émergence de nombreux nouveaux groupes armés, dont un grand nombre se sont engagés dans des violations similaires.
Ntaganda n’a jamais été un « instrument de paix », comme l’a affirmé le gouvernement congolais à un moment donné. Les soldats sous le contrôle de Ntaganda se sont livrés à des exactions, même après que Ntaganda ait été promu général au sein de l’armée congolaise. Ntaganda a également été impliqué dans des assassinats ciblés, des disparitions forcées et la détention arbitraire de personnes qui ont appelé à son arrestation ou dénoncé les allégations d’exactions et cela jusqu’à ce qu’il finisse par fuir la RD Congo et se rendre.
- Qu’est-il arrivé aux autres dirigeants du dernier groupe armé de Bosco Ntaganda, le M23 ?
Outre Bosco Ntaganda, plusieurs anciens hauts commandants du M23 avaient été impliqués dans de graves violations des droits humains, notamment Sultani Makenga, Innocent Zimurinda, Baudouin Ngaruye, Innocent Kayna, et Eric Badege, entre autres. Human Rights Watch a documenté des massacres ethniques, le recrutement d’enfants, le viol à grande échelle, des meurtres, des enlèvements et des actes de torture commis par des troupes placées sous leur commandement. Au moins six anciens dirigeants du M23, en plus de Ntaganda, figurent sur les listes de sanctions des Nations Unies et des États-Unis, ce qui entraîne pour eux une interdiction de voyager et un gel de leurs avoirs.
Après la défaite du M23 en 2013, les commandants du M23 et bon nombre de leurs soldats ont fui la RD Congo vers le Rwanda et l’Ouganda voisins. Les autorités congolaises ont délivré des mandats d’arrêt à l’encontre de plusieurs hauts dirigeants du M23 pour des chefs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, mais aucun d’entre eux n’a été arrêté.
Human Rights Watch a exhorté les autorités congolaises à prendre des mesures qui pourraient faciliter l’extradition des dirigeants du M23 depuis l’Ouganda et le Rwanda, en abordant les problèmes relatifs à leur sécurité ainsi que les questions relatives à leur droit à un procès équitable et à la peine de mort en RD Congo. S’ils n’extradent pas les dirigeants du M23 vers la RD Congo, l’Ouganda et le Rwanda doivent, au titre de leurs obligations découlant du droit international humanitaire coutumier et de la Convention contre la torture, mener des enquêtes et lancer les poursuites adéquates à leur encontre. Human Rights Watch n’a connaissance d’aucune enquête menée par les autorités rwandaises ou ougandaises sur le rôle qu’auraient joué les anciens dirigeants du M23 se trouvant actuellement sur leur territoire en lien avec des crimes commis en RD Congo, ni d’aucune autre mesure prise par les gouvernements de ces pays pour traduire ces personnes en justice.
Si des procès équitables et crédibles ne sont pas tenus, il y a lieu de s’inquiéter que ces individus pourraient démarrer une nouvelle rébellion et poursuivre leurs exactions.
La Procureure de la CPI a ouvert des dossiers publics relatifs à six suspects en lien avec les crimes qui auraient été commis en RD Congo. Lors de la première phase de son enquête, la CPI a poursuivi quatre dirigeants de groupes rebelles accusés de crimes en Ituri : Lubanga, Ntaganda, Ngudjolo, et Germain Katanga. Comme cela est mentionné plus haut, Lubanga a été condamné en 2012 pour le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats en Ituri et condamné à 14 années de prison. Katanga a été déclaré coupable et condamné à 12 ans de prison. Il n’a pas souhaité faire appel. Ngudjolo a été acquitté et est rentré en RD Congo en mai 2015. Ntaganda est le dernier accusé à être jugé pour des accusations liées au conflit en Ituri.
Concernant les crimes commis dans les provinces du Kivu, dans l’est de la RD Congo, la CPI a délivré des mandats d’arrêt à l’encontre de deux dirigeants des FDLR, un groupe armé rwandais majoritairement hutu, dont certains membres ont pris part au génocide rwandais en 1994. Callixte Mbarushimana, secrétaire exécutif des FDLR, a été arrêté en France en octobre 2010, mais les juges de la Chambre préliminaire ont refusé de confirmer les charges portées contre lui pour manque de preuves. Il a été libéré en décembre 2011. Le Général Sylvestre Mudacumura, commandant militaire des FDLR, est encore en RD Congo, hors d’atteinte de la justice.
Globalement, toutefois, le nombre des affaires relatives à la RD Congo devant la CPI et les accusés qu’elles visent ne répondent pas à l’ampleur des crimes commis depuis 2002 (date à partir de laquelle la CPI est compétente).
Au cours d’une visite à Kinshasa en mars 2014, et de nouveau dans un communiqué de presse à propos du jugement d’appel dans l’affaire Lubanga, Fatou Bensouda, Procureure de la CPI, a déclaré que son Bureau « poursuit son action en République démocratique du Congo, avec le concours des autorités congolaises, pour briser la spirale de la violence dans ce pays ainsi que dans l’ensemble de la région des Grands Lacs. »
Human Rights Watch a appelé à plusieurs reprises le Bureau du Procureur de la CPI à explorer la dimension régionale du conflit en RD Congo, notamment en enquêtant sur le rôle de responsables politiques et militaires de haut niveau en RD Congo, au Rwanda, et en Ouganda qui ont soutenu, armé et financé des groupes armés violents dans l’est de la RD Congo au fil des ans. Par exemple, en 2012 et 2013, Human Rights Watch a documenté le soutien rwandais à la rébellion du M23 de Ntaganda, qui n’est pas sans rappeler le soutien à des groupes armés violents précédents, notamment le CNDP et l’UPC. Human Rights Watch a également appelé la Procureure de la CPI à enquêter sur les crimes présumés commis par l’armée congolaise et, si les preuves le permettent, à poursuivre les principaux responsables. Ces étapes sont cruciales pour que la CPI apporte une véritable contribution à la justice en RD Congo.
Human Rights Watch a conscience que la CPI enquête sur des crimes internationaux dans sept autres pays, qu’elle envisage la possibilité de mener des enquêtes dans au moins neuf autres et qu’il est possible qu’elle manque aujourd’hui de ressources pour se charger de nouvelles affaires liées à la RD Congo. Néanmoins, le Bureau du Procureur devrait réfléchir à la manière dont il pourrait le faire dans les années à venir et devrait concevoir une stratégie visant à répondre aux besoins en matière de lutte contre l’impunité qui existe encore en RD Congo. Pour cela, la Cour a évidemment besoin du soutien solide et à long terme de ses États membres, qui devraient s’engager à lui allouer des ressources suffisantes afin qu’elle puisse répondre de façon appropriée à la situation en RD Congo ainsi qu’à celles d’autres pays relevant de son mandat.
La CPI n’a toutefois jamais été destinée à mener des enquêtes et des poursuites contre tous les responsables de crimes internationaux graves en RD Congo – elle n’en a pas la capacité. En vertu du principe de « complémentarité » du Statut de Rome, les autorités nationales conservent la responsabilité première de traduire en justice les responsables de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide.
Au cours des dix dernières années, les tribunaux militaires congolais ont engagé des poursuites dans un certain nombre d’affaires liées à des crimes de guerre et à des crimes contre l’humanité, mais il reste beaucoup à faire pour s’attaquer efficacement à l’impunité qui entoure les graves crimes internationaux commis en RD Congo. Afin de renforcer la capacité des tribunaux nationaux congolais à traiter ces affaires, le gouvernement congolais a envisagé la possibilité d’un mécanisme hybride spécialisé au sein des tribunaux nationaux, qui serait exclusivement chargé de traiter les affaires de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide, et dont le personnel serait recruté au niveau national et international. Human Rights Watch estime qu’un tel mécanisme contribuerait grandement à renforcer les capacités et l’indépendance des tribunaux nationaux dans la prise en charge des graves crimes internationaux.
Par Human Rights Watch
No comments:
Post a Comment